vendredi 22 novembre 2013

Saumon ou pigeon ?

Les fêtes de fin d'année approchent et beaucoup se demandent ce qu'ils pourront bien mettre dans leur assiette, en ces temps de pouvoir d'achat en berne. Une chose est certaine, pour les amateurs de saumon plus ou moins épargnés par la crise, il y aura du Marine Harvest, n° 1 mondial du salmonidé.

Ce nom doit vous dire quelque chose : le groupe a agacé les bonnets rouges, puisqu'il a décidé de liquider son site de Poullaouen, près de Carhaix, dans le Finistère. Ses affaires vont mal ? Non.

Marine Harvest a décuplé son bénéfice net au cours des neuf premiers mois de 2013 et son action a pris plus de 50 % en un an. Mieux : Marine Harvest, dont près de mille saumons d'élevage ont profité d'une tempête pour se faire la malle le week-end dernier, propose 60 euros de prime par tête aux pêcheurs qui retrouveront les fugitifs.

Bref : pigeon ou saumon, camarade, choisis ton camp.

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Billet initialement publié ici.

mardi 15 octobre 2013

Ras-le-bol

Les Français en ont ras-le-bol. De tout. Des impôts, de l'élite parisienne, de l'austérité, de leurs conditions de travail ou du pôle emploi qui ne leur en trouve pas.

Il existe aussi des Français, plus ou moins célèbres, qui en ont ras-le-bol de la France et qui préfèrent s'exiler pour évacuer leur ras-le-bol fiscal après avoir mangé aux frais de la République qui les a gavés avec les fruits de ce système fiscal dont ils ont ras-le-bol.

Je connais même des Français qui profitent des transferts sociaux organisés par cet État dont ils ont ras-le-bol pour aller passer des vacances à l'étranger, histoire d'oublier leur ras-le-bol.

Et vous savez quoi ? Moi aussi, j'en ai ras-le-bol. Plus précisément, j'en ai ras-le-bol des Français qui en ont ras-le-bol de tout, des politiques qui jouent avec et des médias qui les relaient.

vendredi 27 septembre 2013

Évasion

Étrange découverte pour des douaniers suisses, lors d'un contrôle de routine à Kreuzlingen.

En vérifiant un taxi français, ils ont mis la main sur 35 grenouilles appartenant à des espèces protégées par la Convention de Washington.

Le chauffeur de taxi ne disposait d'aucune autorisation adéquate ni de déclaration de douane en Suisse pour les introduire.

Les animaux ont été saisis, puis remis pour authentification à l'Office fédéral vétérinaire helvétique, sans qu'on sache combien de temps ils seront conservés avant d'être remis en liberté dans leur milieu naturel, ni qui paiera la note de grillons pendant ce temps-là.

En attendant, une procédure pénale a été ouverte et le chauffeur risque une amende de plus de 2.000 francs suisses (1.600 €).

Bref : il semblerait qu'entre la France et la Suisse, la contrebande de batraciens soit beaucoup plus contrôlée que l'évasion fiscale.

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Billet initialement publié ici.

Idées reçues

C'est fou ce qu'on apprend en lisant la presse.

Tenez, par exemple, l'âge de la retraite, qui suscite tant de crispations, n'aurait aucune incidence sur l'espérance de vie (sauf si vous êtes contraint à travailler), selon une récente étude scientifique australienne.

Autre illustration : qui est l'auteur des premiers tweets ? C'est Jésus, assure le cardinal Gianfranco Ravasi. Pour lui, « Jésus a été la première personne au monde à tweeter », avec des formules brèves et pleines de sens.

Enfin, les amateurs du zoo de Beauval qui s'imaginent que la reproduction des pandas est difficile vont pouvoir ranger cette impression au rayon des idées reçues : le centre spécialisé de Chengdu, en Chine, vient d'enregistrer la naissance de quatorze bébés pandas entre juillet et septembre 2013.

Manquerait plus qu'on apprenne que des écologistes occupent des fonctions ministérielles.

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Billet initialement publié ici.

lundi 16 septembre 2013

Deux millénaires en deux décennies

Drôle d'anniversaire. Je fête en cette mi-septembre 2013 mes vingt ans d'Internet. Et c'était quoi le cadeau ? L'histoire d'un mec qui se fait justice contre un de ses agresseurs plebiscité par plus d'un million de crétins.

Franchement, je ne suis pas venu sur le Web pour ça et il va falloir que Facebook, Twitter, les sites d'info et les utilisateurs fassent un petit effort intellectuel pour comprendre qu'ils mettent en place les conditions de leur disparition.

Parce qu'on sait bien où ça même, cette tendance à offrir l'illusion que quelques clics, ça ne mange pas de pain. C'est une abominable connerie qui tue les médias aussi bien que les citoyens.

Le Net, ça n'est pas ça. C'est une aventure. Ici, désormais, ce sont les arènes avides de nos cervelles disponibles. On like, on +1 ou on RT pour décider qui doit vivre ou mourir.

Vous voyez ce que je veux dire ? Non ? Alors, voici un peu plus de 2.000 ans, pour distraire le peuple, on l'invitait à voir des hommes se battre. A la fin du combat, il pouvait même décider du sort de l'un de ses semblables en mettant le pouce en bas ou en l'air.

jeudi 5 septembre 2013

Irréfutables

Le concert des Nations a tourné à la cacophonie sur la question syrienne et les frappes punitives. Pour que chacun s’accorde, il faudrait un papier à musique bien réglé et une parfaite mécanique.

Le monde et nos vies seraient tellement plus simples si nous pouvions disposer de preuves irréfutables pour chaque chose.

Nous saurions d’emblée faire la différence entre une aventure sans lendemain et une relation durable. On s’éviterait la crise de foie en sentant avant de l’avoir avalé le chocolat de trop.

Nous serions en mesure de reconnaître les vrais amis, aussi certainement que nous saurions qui sont les gens à ne pas fréquenter. On aurait enfin des convictions sur qui compter au moment de déclencher les hostilités.

Mais ça n’est pas notre nature. Je pense donc je suis ? Non. Je doute donc je suis.

" Dubito, ergo cogito, ergo sum. "

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mardi 13 août 2013

Mouches

Snowden a fait mouche : les réseaux ne sont pas très nets et voilà Barack Obama obligé de promettre au monde de faire des efforts pour que ses agences de renseignement arrêtent de jouer au « big brother » de George Orwell.

Et soudain, on comprend mieux le sens du mot Web. Cette Toile où nous nouons des relations sociales a viré au mauvais film. Tant d'espaces où se promener, échanger, publier des images, des commentaires, des vidéos, des informations ou des points de vue librement, gratuitement et sans contrainte, c'était trop beau.

Si c'est gratuit, c'est que vous êtes le produit et ces services sont autant d'aspirateurs de données qui profitent aux marchands. Et les marchands comptent toujours sur le gendarme le plus fort pour assurer la paix de leurs transactions.

Bref, comme souvent, ce sont les araignées qui tissent les toiles. Et à votre avis, qui sont les mouches ?

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jeudi 4 juillet 2013

Le sabre ou le goupillon

Comme je l'ai dit hier, "L'armée ou les frères musulmans" is the new "Le sabre ou le goupillon". Et c'est instructif de voir comment on se déchire ici pour coller une étiquette sur les événements égyptiens. Coup de force, coup d'état...

On sent bien que le débat est vidé de toute forme de rationalité par le fait qu'on met en opposition des religieux réputés fanatiques et des militaires que l'on suppose dictateurs.

Antimilitarisme primaire et méconnaissance de l'Islam sont autant de fléaux qui tuent le débat en Égypte comme chez nous. Mais surtout, c'est une immense injure faite à l'histoire des civilisations.

Les républiques ne sont pas nées ex nihilo. Elles ont souvent vu le jour dans le vacarme, le sang et les larmes de conflits attisés par des fanatiques belliqueux contre lesquels des citoyens pacifiques ont pris les armes pour défendre un idéal. On les a parfois appelés soldats de la démocratie.

Ne condamnez jamais un religieux sans procès. Ne jugez pas un militaire trop vite. La cité a parfois besoin du sabre pour renvoyer le goupillon dans ses foyers.

Économie de l'écologie

Ainsi donc, il y a des ministres écologistes dans ce gouvernement et il faut remercier Delphine Batho d'en avoir apporté la démonstration par le sacrifice de sa personne.

Ils veillent sur la transition énergétique, la biodiversité, la sûreté nucléaire et la qualité des filières alimentaires.

Ils vont limiter le réchauffement climatique, les OGM, le recours aux semences qui ne repoussent pas et aux désherbants qui tuent la bioversité. Bientôt on fermera des centrales nucléaires grâce au développement des énergies alternatives et les automobiles n'auront plus besoin de produits dérivés du pétrole.

Bon évidemment, ça va prendre un peu plus de temps que prévu. Pierre Gattaz, le nouveau patron des patrons, réclame 100 milliards d'euros de baisses de charges.

Bref, avant de mettre l'écologie au cœur de l'économie, on va faire l'économie de l'écologie.

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mercredi 3 juillet 2013

Éducation sexuelle

Faites l'amour, pas la guerre, c'est un beau programme. Encore faut-il savoir s'y prendre et c'est là que ça devient compliqué pour l'espèce humaine.

On croyait que les révolutions sexuelles avaient fini par émanciper l'occident des tabous millénaires d'une civilisation judéo-chrétienne prompte à mettre le préservatif à l'index.

On imaginait qu'enfin, les peuples du monde finiraient par comprendre que le Kama-sutra est un bienfait pour l'humanité. Mais non. Ça coince toujours.

Tenez, par exemple, un technicien informatique chinois s'est fait remonter les bretelles pour avoir diffusé à son insu quelques minutes de scènes érotiques sur un écran géant.

Autre phénomène inquiétant, en Allemagne cette fois. Un cours d'éducation sexuelle a mal tourné. Les élèves seraient tombés comme des mouches au moment de colorier des schémas d'organes génitaux.

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vendredi 28 juin 2013

A poil

L'époque où l'homme devait être imberbe pour être beau est révolue. Le mâle dominant n'est en effet plus condamné à l'épilation intégrale : il suffit de regarder les people pour s'en rendre compte la référence est le « bear » (l'ours).

Moustache, barbe et torse velu : on peut sortir ses poils, à condition qu'ils soient soigneusement entretenus et les magazines pour hommes regorgent de conseils.

Le poil de l'homme aurait un tel pouvoir qu'une marque laitière vient de lancer une campagne de communication très virile avec un manteau confectionné à partir d'un million de poils de torse humain. Une redingote qui aura nécessité plus de 200 heures de travail.

Mais ça n'est pas tout : en Chine, le collant « poils de jambe » fait fureur.

Évidemment, ces poils dans le vent ça risque fort de défriser les marchands de rasoirs.

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jeudi 27 juin 2013

Seniors

Selon l'Insee, le taux d'activité des 55-64 ans se situe à 39,7 % en France alors qu'il atteint 46,3 % en moyenne dans l'Union européenne.

C'est dramatique. D'autant que si la réforme des retraites s'oriente vers un allongement de la vie professionnelle et que le chômage continue sa progression, on va se retrouver avec des seniors attendant leur retraite au chômage de plus en plus longtemps.

D'où l'idée d'instaurer des quotas de seniors dans les entreprises, un peu comme pour les femmes en politique ou les minorités visibles à la télé.

Une initiative qui devrait être relayée dans leurs médias respectifs par Alain Duhamel (RTL), 73 ans, Michel Drucker (Europe 1, France 2) 70 ans, Jean-Pierre Elkabbach (Europe 1) 75 printemps… Sans oublier Philippe Bouvard (RTL) qui peut toiser cette bande de jeunots du haut de ses… 83 ans.

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vendredi 21 juin 2013

Pénibilité

Cambrioleur, c'est un vrai métier difficile : faut avoir une bonne formation, de l'expérience et les nerfs solides.

La preuve avec Marius, un apprenti monte-en-l'air roumain qui s'était introduit dans un appartement quand soudain il a entendu un bruit tellement étrange qu'il s'est caché sous un lit et a appelé la police pour qu'elle vienne à son secours. En fait, il s'agissait du chat de la maison, passablement énervé.

Autre exemple, en Nouvelle-Zélande cette fois. Un malfrat a bien failli mourir de trouille en tombant sur le cadavre d'un pendu dans la maison qu'il cambriolait. Il s'est mis à hurler au point de réveiller le voisinage. Le temps de se calmer, il a appelé la police qui est venue le cueillir et décrocher le pendu.

Bref, pour ceux qui en doutaient encore au moment où s'ouvre un nouveau débat sur les retraites : n'oubliez pas de prendre en compte la pénibilité des métiers.

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jeudi 20 juin 2013

Longtemps

Faut voir comment ils sont heureux, les octogénaires, les nonagénaires et les centenaires en fin de vie dans les maisons de retraite.

Ils rendent grâce tous les jours aux savants fou qui leur ont inventé des prothèses et à l'industrie pharmaceutique qui, bénévolement, les maintient en vie.

Ça respire le bonheur une maison de retraite. Le personnel y est abondant et jamais débordé. Les vieux ne sont jamais attachés dans leur lit ou leur fauteuil et on ne les gave pas de sédatifs à 17 h 30 pour leur permettre de faire la bamboula toute la nuit, parce que grâce au Viagra, la vie sexuelle après l'heure, c'est encore l'heure.

Voilà, c'est ça le progrès, un truc qu'il ne faut pas arrêter. On vit de plus en plus longtemps, de mieux en mieux, de plus en plus heureux. Mais ça coûte cher, alors il va falloir bosser plus longtemps pour payer ceux à cause de qui ça coûte cher.

Évidemment, ça va être frustrant de devoir reculer l'âge auquel les gens auront le droit de profiter du plaisir de finir leur vie en maison de retraite. Ils attendent ce grand moment depuis si longtemps.

mercredi 12 juin 2013

Élastomères

A peine un non-lieu total est-il requis pour DSK dans l'affaire du Carlton que certains s'emballent déjà sur son retour en politique.

Comme si c'était inédit, impossible, voire… abracadabrantesque, comme disait l'autre, dont les affaires, quand elles lui en touchaient une, laissaient l'autre immobile. Jacques Chirac, certes, mais pas que.

Charles Pasqua aura politiquement survécu jusqu'en 2011 aux pantalonades politico-judiciaires. Et après avoir traversé le désert au Canada, Alain Jupé est redevenu ministre. Pour ceux qui l'auraient oublié, l'affaire du sang contaminé n'aura pas empêché Laurent Fabius de faire son come back, et Harlem Désir, reconnaissons-le, ne manque pas d'assurance.

La liste n'est évidemment pas exhaustive. Caoutchoucs, élastiques, rebondissants : la plus grande famille politique doit être celle des élastomères.

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mardi 11 juin 2013

Le féminin l'emporte...

C'est pénible, cette guerre des sexes. Outre le fait que les questions d'égalité des droits entre hommes, femmes, homos et hétéros peuvent pousser les gens à battre le pavé ou leurs semblables, cela conduit à des situations aberrantes.

Tenez, par exemple, en Suède, vu que le règlement de la compagnie de métro de Stockholm exclut le short et impose aux conducteurs le port exclusif du pantalon ou de la jupe, c'est cette dernière qui a été adoptée par ces messieurs quand il fait trop chaud.

Et puisqu'on cite l'Europe du Nord en exemple, sachez aussi qu'à l'université de Leipzig, un enseignant agacé par les hésitations entre professeur et professeure dans les textes officiels a tranché : le terme professorin (professeure) s'applique à tout le corps enseignant.

Pour une fois que le féminin l'emporte sur le masculin…

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lundi 10 juin 2013

Plus le temps

Les temps changent. La météo, oui, avec ce dérèglement climatique qui nous met l'automne en hiver et le printemps en été, mais pas seulement. Le temps tout court. Il passe vite.

Même plus le temps de le tuer. L'arrêter ? Il cavale. Suspendre son vol ? Ça chagrinerait ses passagers. Prendre congé ? Pas facile : sa durée légale s'allonge.

Et les 35 heures ? Un ancien Premier ministre d'une majorité naguère élue en promettant qu'on s'enrichirait en travaillant davantage nous assurait même voici quelques jours sur le service public de l'audiovisuel qu'il faudra trimer plus en acceptant de gagner moins.

La pension ? Pas mieux. Un autre ancien Premier ministre dont le temps s'est définitivement arrêté ne sera pas là pour constater que sa famille politique a oublié ses combats acharnés pour la retraite à 60 ans. Faut dire aussi qu'entretenir la mémoire, ça prend du temps.

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vendredi 7 juin 2013

Quinquin

Il me manquera, Mauroy. Sa voix grave, ses grosses lunettes, ses mains de géants. Je sais déjà que ses détracteurs ne manqueront pas de rappeler deux ou trois affaires obscures dans lesquelles nous, journalistes exerçant ou ayant exercé sur ses terres septentrionales savons qu'il n'aurait pas du s'aventurer.

Qu'importe. Il me manquera quand-même et pour des raisons parfaitement irrationnelles. A cause des racines. Parce que je suis né et que j'ai grandi dans l'Avesnois, moi aussi, avant de m'envoler vers Lille. C'est là qu'un jour, voici exactement 13 ans, nous avions échangé des mots émus. Je vous les livre comme un héritage. Faites-en ce que bon vous semblera.

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Pierre Mauroy est un enfant du terroir, dont les racines bocagères ont nourri un destin national. Mais il y revient quand même de temps en temps, dans cette campagne avesnoise. En tout cas au moins une fois l’an, pour célébrer la mémoire de son modèle en politique.

Chaque 9 juin, date anniversaire de la mort de Léo Lagrange, un des hommes du Front populaire chargé en 1936 par Léon Blum d’organiser les sports et les loisirs, Pierre Mauroy est à Avesnes-sur-Helpe. Il vient poser une gerbe et se recueillir devant la statue de Léo Lagrange. En 2000, la cérémonie a eu lieu le 10 juin.

« Léo Lagrange était candidat ici, raconte Pierre Mauroy ce samedi 10 juin 2 000, en remontant la rue Léo-Lagrange. Mon père était directeur d’école à Cartignies. Au fond, ma mère était assez stricte, et en tous les cas, elle tenait à ce que l’on fasse honneur à tout personnage qui pouvait venir chez elle. Et donc elle nous avait prévenu que s’il venait quelqu’un d’assez extraordinaire (elle ne pensait pas du tout à Léo Lagrange : elle pensait à l’Inspecteur primaire bien entendu) immédiatement -nous étions six gosses- nous devions nous asseoir, ne plus bouger, ne rien dire. Si bien qu’arrive un grand costaud, là, que mon père salue. Lui me chatouille un petit peu les cheveux, donc je trouvais que c’était un inspecteur tout de même assez gentil, et aussitôt on rectifie nos positions. C’était Léo Lagrange, qui faisait sa campagne électorale et qui passait voir le directeur d’école de Cartignies. Donc j’en ai gardé le souvenir et c’est parce que j’en ai gardé le souvenir que ma famille l’a entretenu, et qu’étant au collège du Cateau on attendait son retour, on pensait qu’il était prisonnier… Eh bien non, il était décédé à Evergnicourt et c’est comme ça que j’ai créé la Fédération nationale Léo-Lagrange et que je lui suis resté fidèle… »

Comment est-il devenu maire de Lille ?

« Vous savez confie-t-il, j’avais un désir, une ambition, c’était de devenir député-maire du Cateau-Cambrésis. Alors ma foi, j’étais au Cateau, le maire se retirait pour que, aux élections municipales, je devienne maire à mon tour. Les élections législatives, finalement, j’avais toutes chances de les emporter un jour. Et puis voilà, on était en 1971, à Lille, c’était difficile, Augustin Laurent voulait se retirer. J’étais premier secrétaire, déjà, de la fédération socialiste du Nord, je préparais, un petit peu en cachette, le Congrès d’Epinay quoi, avec François Mitterrand, et il m’a dit : Pierre, il faut que tu montes à Lille. Voilà comment je suis devenu maire de Lille, vraiment en reculant et pas très heureux, j’ose à peine le dire, parce que Lille a été ma chance formidable et qu’ensuite, ça a été une véritable passion. Mais à ce moment-là, ma femme ne voulait pas quitter ses parents qui habitaient Cambrai, on était bien au Cateau-Cambrésis, c’était notre pays quoi, je tenais à être député-maire du Cateau ici, dans ma région. Voilà, le destin m’a appelé à Lille et ça fait trente ans que je suis maire de Lille. Alors vous voyez, je vais quitter ce poste ici, au mois de mars (2001) mais je reste fidèle tout de même à ce coin de terre qu’est l’Avesnois… »

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Ces mots son extraits d'un livre que j'ai écrit jadis. Merci à mon éditeur de me laisser les reproduire ici.

vendredi 31 mai 2013

Conflit d'intérêt manifeste

J'avoue, je connais le professeur Gromb. Enfin, pas personnellement. Je connais un magistrat qui connaît un journaliste qui la connaît. Et de fil en aiguille nous nous sommes croisés un jour Sophie et moi sur une aire d'autoroute : elle rentrait de congés, je partais en vacances. Le monde est petit.

D'ailleurs, je dois avouer aussi que je connais personnellement plusieurs dizaines de femmes et d'hommes politiques impliqués dans des affaires plus ou moins retentissantes. J'ai même noué des relations franchement amicales avec le trésorier d'un candidat à la présidence de la République dont le financement de campagne fait polémique.

A cette liste d'aveux sur mes relations dangereuses, je dois ajouter une dizaine de patrons de plus ou moins grandes entreprises, de salariés bien informés, de syndicalistes très attentifs à l'avenir de leur entreprise, de représentants des forces de l'ordre, dont certains hauts placés dans la hiérarchie du renseignement français.

Comme vous pouvez l'imaginer, il m'est donc arrivé de partager des repas avec ces personnes, parfois même d'avoir aussi des conversations et pire : d'échanger des informations.

Je sais, c'est mal et on me l'a déjà reproché. Et j'ai alors éprouvé la même exaspération que celle des trois juges d'instruction qui ont mis en examen Nicolas Sarkozy pour abus de faiblesse de la milliardaire Liliane Bettencourt.

La solution ? Interdire aux magistrats, aux journalistes, aux politiques, aux policiers, aux prolétaires, à leurs représentants et aux experts de se fréquenter. Mieux : les obliger à se marier entre eux et imposer que leurs enfants soient éduqués dans des établissements spécifiques. La mixité sociale doit être devenue une chose dangereuse.

Et si un jour je dois assurer la chronique judiciaire du procès de la fille d'un magistrat avec qui, jadis, j'ai passé une soirée, par ailleurs traduite en justice pour avoir diffamé en assurant sa défense l'ami expert syndiqué de son père dans le procès d'un politique que je connais suite à la plainte de mon garagiste, je veux bien être pendu pour conflit d'intérêt manifeste.

mardi 28 mai 2013

Les mots pour le dire

Comment appelle-t-on la fin d'un processus de chute ? La fin de la fin, le début de la fin de la fin ou le début du début ?

Épineuse question qui agite sondeurs et journalistes depuis que notre président de la République (ainsi, au passage, que le premier de ses ministres) cesse de descendre dans les sondages.

Cela donne du « Hollande et Ayrault enrayent leur baisse de popularité », du « La chute de popularité de François Hollande marque une pause », ou encore du « Popularité : Hollande et Ayrault remontent la pente ».

Remonter, descendre, des cotes, des côtes et des pentes… On sait bien qu'en politique, même quand la route est droite, une pente trop forte peut vous empêcher de grimper et qu'à la moindre panne de moteur, c'est la descente en marche arrière assurée.

On n'oubliera pas non plus que l'important c'est pas la chute, c'est l'atterrissage.

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vendredi 24 mai 2013

Juste un détail

Bien que particulièrement horripilé par la façon dont les valeurs de notre république se désagrègent un peu plus chaque jour, je ne vais pas pousser un coup de gueule. Ça n'est pas mon style et je n'en ai plus l'âge.

Non, je vais juste mettre en perspective ces deux ou trois dérives qui, ces derniers temps, ont poussé un peu loin le bouchon de l'exaspération dans les eaux calmes de mon long fleuve tranquille.

Nous sortons à peine (un an c'est court) d'un quinquennat dont on retiendra qu'il aura consacré la peur de l'autre comme valeur suprême du populisme gouvernant. Les roms qui sont passés du vol des poules à celui des smartphones, la menace terroriste pour transformer tout musulman près de chez vous en djihadiste potentiel, le Chinois qui nous tue parce qu'il travaille pour moins cher... On nous a tout fait. Même la justification des alliances UMP-FN par l'agitation du chiffon rouge de ces socialistes qui ont pris le pouvoir grâce au soutien des staliniens.

Le bruit et les odeurs de Chirac, les pains au chocolat de Copé... Manquait plus que le péril pédé, l'espèce menacée par la reproduction des homosexuel(le)s.

Faut quand même être sacrément obstiné dans l'exercice de la connerie pour imaginer survivre en continuant à s'enfermer dans des théories mortifères. Parce que franchement, là, de l'opposition au mariage pour tous, qu'est-ce qui reste ? Le suicide d'un idéologue brun devant l'église la plus touristique de France et la peur de sortir mener ses troupes sur la place publique de celle qui s'est autoproclamée leader de la révolution pour l'avenir hétérosexuel de l'humanité. Tout ça pour un texte que, dans quatre ans, l'opposition, si elle arrive au pouvoir, aura le droit de défaire ?

Reste que si la droite revient aux affaires en 2017 et qu'elle abroge le mariage pour tous, elle devra gérer un épineux problème. Car pendant ces quatre années, les homos mariés auront eu des enfants. Combien ? 10.000, 100.000 ? Je l'ignore.

J'espère juste qu'on évitera de parler de camps, parce qu'après les musulmans, les manouches et les communistes, ça va devenir difficile de faire passer tout ça pour un détail de l'histoire.

lundi 20 mai 2013

Vous avez dit vision ?

Les audiences de l'Eurovision en berne, c'est un signe des temps. Car L'Europe, c'était notre avenir, de l'Atlantique à l'Oural.

Nous y avons cru, nous nous sommes battus pour elle, nous lui avons été fidèles… Nous avons même fait tomber le mur des idéologies qui la traversait, croyant que le marché, pourvu qu'il soit unique, serait le meilleur des systèmes.

Mais ça, c'était hier. Aujourd'hui, le rêve est devenu un bidule technocratique ingouvernable. Charbon, acier, on a liquidé nos fondements et tout ce qu'on partage désormais, outre la monnaie unique, ce sont les politiques de rigueur budgétaire. Au point que certains imaginent la quitter, cette Europe.

L'Albion, certes, souvent perfide, mais pas seulement. Ici et là, sur le terrain austère de la crise, le souverainisme repousse. Bref, il faudra peut-être rebaptiser le programme. L'Eurodivision, ça sonnerait plus juste.

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mercredi 15 mai 2013

Ultras

En voyant les images du Trocadéro en proie aux casseurs, la France semble découvrir que parfois, le foot, ça n'est pas qu'un jeu. De la violence autour des stades ? Est-ce possible ? Oui.

On a même fini par inventer un nom pour désigner la chose : le hooliganisme. Le concept fut créé en Angleterre au milieu des années 80, notamment à cause du drame du Heysel, mais la réalité du phénomène touche l'ensemble de l'Europe depuis des décennies.

Certains noms sont restés dans les mémoires, comme Chelsea et ses Headhunters (chasseurs de tête) ou les Hell-side du Standard de Liège.

Le PSG, lui aussi, a une longue tradition de hooligans depuis le Commando Pirate jusqu'à la Catégorie D en passant par les Block B et le Commando Loubard. Eh oui, dans nos arènes modernes, on ne sacrifie plus de gladiateurs. La violence n'entre pas dans les gradins : elle attend dehors.

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mardi 7 mai 2013

Gaulois

Le Gaulois a mauvais caractère et ça ne s'arrange pas avec l'âge. Depuis vingt siècles, ses chefs le savent. Hollande aussi, aujourd'hui voué aux gémonies par trois Français sur quatre.

Culture de la zapette à audiences et du clic à buzz aidant, le phénomène s'est accentué avec l'histoire, qui s'accélère, comme chacun sait, depuis qu'elle s'est arrêtée.

Un an après leur élection, la cote de popularité de Sarkozy chutait à 36 %, celle de Chirac à 37 % tandis que Mitterrand plaisait encore à plus d'un de ses compatriotes sur deux. Précisons toutefois qu'en mai 2008, le président du pouvoir d'achat avait la queue aussi basse que celui de la réduction de la fracture sociale en 1996 ou encore que celui du changement c'est maintenant aujourd'hui.

Quant à Mitterrand, il savourait ses derniers jours d'état de grâce avant de décevoir les Gaulois en faisant tomber le ciel de la rigueur sur leurs têtes.

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vendredi 26 avril 2013

Loches

C'est une rumeur (encore une) relayée par des médias (pardonnez-leur, ils ne savent pas ce qu'ils font) mais ça n'a aucune importance (comme d'habitude) et ça ne changera pas le cours de l'histoire (heureusement) : « Nabilla n'est pas la bienvenue à Bourges », « Nabilla indésirable à Bourges », « Nabilla, une menace pour la sécurité de la ville de Bourges ? »…

De l'intox, du buzz a deux balles, un bandit manchot à audience.

La nouvelle bimbo de la téléréalité, consacrée par le Grand Journal et Paris Match fait l'objet de tous les délires médiatiques.

Faut dire aussi que Nabilla et ses conseillers assument ses dérives esthétiques et que son 95 double D occupe aisément l'espace des plateaux de télé dont le vide n'a d'égal que la vacuité intellectuelle de ceux qui les animent.

Bref : l'histoire aurait été plus drôle si le printemps de Bourges se tenait à Loches.

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jeudi 25 avril 2013

Comme tout le monde

Après le mur du son, celui des cons.

Oui, l'affaire qui fait causer, c'est ce « mur des cons » découvert dans une salle du syndicat de la magistrature, où figurent Sarkozy, Woerth, Balladur, Morano, Baroin, Chatel ou encore Balkany, en ce qui concerne les politiques.

Des stars des médias (Zemmour, Mougeotte, Le Lay, Pujadas) ne sont pas plus épargnées que des intellectuels de service (Attali, Minc, Sorman, Adler…).

Scandale ? On en oublierait presque que dans la famille des cons, on est toujours celui de quelqu'un d'autre, qu'en général, ils osent tout et que c'est à ça qu'on les reconnaît, que le jour où on les mettra en orbite, certains n'auront pas fini de tourner, que l'échec est leur réussite à eux, qu'ils gagnent toujours parce qu'ils sont très nombreux et que leur caractéristique vestimentaire est de s'habiller comme tout le monde.

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vendredi 12 avril 2013

L'arrière-boutique

Dis-moi ce que tu as, je te dirai qui tu es : il faut que nos élus mettent leurs dessous dessus et leurs sous sur la table. L'argent, la thune, le pognon, le flouze, le blé... Oui : le sujet qui fâche. On notera d'ailleurs que dans un glissement sémantique probablement destiné à épargner ceux qui n'en ont guère, on ne parle plus de fortune, mais de patrimoine.

Nouvelle tartufferie médiatique ou élan de transparence destiné à sauver la vertu d'une parole politique pervertie par les mensonges de Jérôme Cahuzac et des autres avant lui ?

La question divise la classe politique, dans la majorité comme dans l'opposition, sous l'œil goguenard des extrêmes qui s'imaginent déjà se repaître en 2017 des reliefs de ce déballage dévastateur.

Qu'importe : le mal est fait. L'argent des autres, surtout quand ils sont réputés tous pourris, fascine toujours les Français et une fois la marchandise déballée, le chaland se rince l'œil, quitte à en oublier que le fond de l'affaire – assainir la vie politique – est resté dans l'arrière-boutique.

vendredi 5 avril 2013

Rolex

Tic, tac, tic, tac. Le temps passe. La mort approche. Inexorablement.

Faute de pouvoir tuer le temps, certains le comptent. Ils le montrent. Parce que le temps, c'est de l'argent. Surtout dans cette société de l'immédiat, du temps réel et de l'info en continu où chaque seconde est une éternité chronophage de temps de cerveau disponible à toute actu susceptible de chasser les précédentes.

Le temps qui passe, c'est l'oubli garanti de celui qui s'est écoulé avant. Alors il faut en être comptable, avec de bons outils. Jacques Séguéla l'avait dit : "Si on n'a pas de Rolex à 50 ans, on a raté sa vie". Ils n'ont pas perdu une seconde pour comprendre.

Sarkozy et sa Rolex. Cahuzac et ses Boucheron, Chaumet et Breitling. Les Patek et Cartier de DSK. La Reverso de Lionel Jospin. Julien Dray et ses cadrans comptés en milliers d'euros. Et Moscovici...


"Ma première jolie montre fut une Rolex Oyster, offerte par ma mère à l’occasion de mon diplôme de Sciences Po en 1980..."

C'est ce qu'il expliquait, le Mosco, en 2004 dans une interview accordée au Meilleur des Montres.

Se faire offrir une montre de luxe par ses parents quand on réussit un concours, ça vous forge une personnalité. Forcément. Je peux comprendre. Pour ma part, on ne m'a jamais rien offert pour récompenser mes succès. Je me suis contenté d'être fier d'avoir fait de mon mieux. Et quand mes enfants réussissent à surmonter une épreuve, je leur offre rien d'autres que mon amour et je leur explique combien je suis fier d'eux.

J'imagine donc que ces gens qui nous gouvernent et collectionnent des mécaniques horlogères hors de prix les utilisent à bon escient. Pour compter, par exemple, qu'ils dépensent en une seconde ce que d'autres mettent un an à gagner.

J'imagine, aussi, qu'ils entendent cette petite musique. Tic, tac, tic, tac. Le temps passe. La mort approche. Inexorablement. Le temps, c'est de l'argent. Ils le comptent. Combien leur en reste-t-il à vivre ?

vendredi 8 mars 2013

Rosebud

"Throw that junk."

L'être humain qui, le premier, a eu l'idée de s'asseoir sur un morceau d'écorce pour dévaler les pentes enneigées aurait pu devenir le plus riche de l'humanité. Mais il a préféré en faire profiter ses semblables, librement. C'était un homme sage.

Je m'interroge. Je me suis toujours interrogé. Dès le plus jeune âge. Comme tous les enfants solitaires. Ça permet de faire la conversation avec sa conscience, ses rêves, ses monstres cachés.

Sur le sens du monde, surtout. L'amour, la guerre, la façon dont les humains s'assemblent ou se détruisent, s'approprient le bien d'autrui, respectent leurs semblables et les autres espèces, partagent ou exploitent, marchent ou crèvent.

J'ai passé ma vie à chercher des réponses en m'usant les yeux au fil des pages imprimées. J'ai cru successivement en Dieu, en Voltaire, en Rousseau, en Marx, en Freud, en Nietzsche et en Zola.

Et puis un jour, voici trente ans, j'ai fait une rencontre bouleversante dans l'obscurité d'une salle miteuse d'un cinéma de quartier. Il s'appelait Charles Foster Kane. J'ai adopté son mystère, Rosebud, sans chercher à le percer, convaincu qu'avec le temps, la réponse finirait par venir.

Et puisque je ne pouvais toujours pas m'empêcher de m'interroger, j'en ai fait ma vocation. Journaliste, c'est pratique quand on se pose des questions sur tout. Etre payé pour chercher des réponses, c'est le plus beau métier du monde.

Trente ans plus tard, je m'interroge toujours. Pourquoi notre civilisation ne réussit plus à enrôler des soldats prêts à se battre pour elle ? Pourquoi, au contraire, produit-elle des valeurs mercantiles et des richesses tellement inégalement réparties qu'elles permettent à ses ennemis d'étoffer leurs troupes gratuitement ?

Et comment le capital a-t-il pu sous-estimer autant la soif spirituelle de l'homme en l'abreuvant de biens consommation dont la production rend l'humanité de plus en plus pauvre et donc en quête de spiritualité, d'un monde meilleur, quitte à en faire table rase ?

Comment le capitalisme, simple modèle d'organisation des hommes et des marchandises, en est-il venu à oublier que l'homme ne se nourrit pas que de choses matérielles, qu'il est il est doué d'esprit et parfois même de raison, et que quand son âme a faim, elle ne se gave pas de pop corn ?

Les hommes commercent, c'est normal. Ils sont faits pour commercer. Mais là, quand on touche le fond du commerce entre les hommes... Notre instinct, notre coeur ou notre raison devraient nous dicter de remonter à le surface.

La religion ? Le missionnaire est toujours accompagné par le marchand de canons. Et quand les hommes sont morts, les canons restent et d'autres s'en servent à leur tour.

Tout s'englue dans une vaste confusion entre les libertés de penser, de marchander, de spéculer.

Et je m'interroge toujours. Quelles causes sommes nous prêts à défendre au prix de nos vies ? Le marché ? Un idéal qui suscite si peu de vocations et autant d'ennemis ? On a confondu liberté, libéralisme et démocratie, société de consommation et progrès de l'humanité.

Et je repense à Charles Foster Kane. Et à Rosebud, cette part de rêve et de danger, de plaisir et de crainte que l'homme éprouve en dévalant des pentes enneigées sur sa luge, s'affranchissant soudain de limites imposées par ses capacités motrices de bipède. Il glisse sur un bien, qui, comme tous les autres, peut s'acheter, se vendre, trouver son prix ou finir dans les braises d'une cheminée. Mais le rêve qui naît de cet objet est, lui, inestimable. Tout comme l'idée de cet être humain qui, le premier, a eu l'idée de s'asseoir sur un morceau d'écorce pour dévaler les pentes enneigées.

"Maybe Rosebud was something he couldn't get, or something he lost."


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Ce billet est né de la rencontre entre deux livres. Celui-ci et celui-là.

mercredi 20 février 2013

Camarade capitaliste

Le Français n'a pas le moral, réduit sa consommation, craint pour son avenir et doute de tout. Certes, il est râleur par nature, mais là, tout de même, certains baromètres semblent démontrer qu'il ne croit plus en rien.

La politique ? Pensez-vous. Le Français dégrade la popularité de ses édiles à peine élus. L'économie ? Pas mieux. A ce propos, on notera qu'un quart des Français estiment qu'il faut abandonner le système capitaliste (20 % jugent qu'il fonctionne « plutôt bien ») selon un récent sondage Ifop-La Croix.

On notera aussi que dans cette étude, internationale, 55 % des Brésiliens et 56 % des citoyens des États-Unis conservent une opinion favorable sur le système capitaliste.

Mais le record de foi dans le système, ce sont les Chinois qui le détiennent avec 58 % d'opinions favorables au grand capital. Le Parti communiste chinois est décidément redoutablement efficace.

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Billet initialement publié ici.

Sapiens

L'actualité nous renvoie parfois à notre propre nature.

Les homosexuels ont-ils le droit d'entrer dans le club de la parentalité jusqu'alors réservé aux sexes opposés ? Et les enfants, une fois leurs géniteurs séparés : qui peut légitimement en assumer la garde ? La mère ? Le père ? Voilà pour la reproduction.

Et on s'interroge aussi sur l'alimentation. Depuis que nous avons confié à d'autres le soin de chasser les bêtes dont nous nous nourrissons, on vole de crises en déconvenues. Les chevaux se déguisent en raviolis ou en pizzas pour faire irruption dans notre alimentation. On se souvient des farines animales dont on nourrissait hier les vaches folles. On en donnera demain aux poissons…

Qui peut faire des enfants ? Qui doit les garder ? Qu'est-ce qui se cache dans nos assiettes ? Pourra-t-on encore les remplir demain ? On se pose des questions sur notre humanité. Comme tous les homo sapiens.

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Billet initialement publié ici.

jeudi 7 février 2013

Opposition constructive

C'est drôle de voir la représentation nationale s'écharper en tricolore sur le droit de la famille. Enfin, drôle... pas pour le citoyen et le contribuable que je suis, ça, je ne cesse de le dire.

Non. C'est le père que je suis aussi qui trouve ça drôle. L'obstruction parlementaire (pratiquée avec zèle par chaque camp dès qu'il se retrouve dans l'opposition) témoigne d'une effroyable méconnaissance des principes élémentaires d'éducation.

Je vais faire simple. Une majorité qui se lance dans une réforme est souvent vue par l'opposition comme un gamin irresponsable qui s'apprête à faire une connerie irrémédiable. Dès lors, l'opposition se sentant soudain investie du rôle de parent prudent tire la sonnette d'alarme : "Attention, mon garçon (ou ma fille) t'es en train de faire une grosse bêtise". Quand c'est dit, c'est dit. Est-ce la peine d'en rajouter 5.000 couches ?

Ceux qui ont déjà essayé d'élever des enfants (qu'ils soient homos ou hétéros, je m'en fous) le savent : plus on leur dit qu'ils font une ânerie, mieux ils la font. J'ai compris, pour ma part, qu'après les avoir prévenus solennellement une fois, le plus pédagogique était de les laisser poursuivre afin que, une fois la véracité de la connerie établie après son accomplissement, je puisse leur expliquer comment ils étaient tombés dedans afin que, la prochaine fois, ils réfléchissent davantage avant d'agir. Les enfants se construisent en s'opposant, c'est comme ça.

Bref. Si tant est que ce mariage pour tous soit une connerie, ce que je ne crois pas mais que, dans ma grande mansuétude démocratique, je laisse à d'autres le droit de croire, Mesdames et Messieurs de l'opposition, laissez-moi vous donner un conseil de bon père de famille. Laissez cette majorité faire. Vous aurez beau vous agiter, ça ne changera rien car, comme disait Dédé Laignel en 1981, étant politiquement minoritaires, vous avez juridiquement tort.

Profitez de cette chance que représente le fait de séjourner dans l'opposition : quand on n'est pas aux affaires, on retrouve le temps de réfléchir, de prendre de la distance, d'élaborer un projet, un vrai. L'opposition, c'est un peu comme un licenciement. Ça fait mal, mais on peut en profiter pour faire un bilan de compétences, préparer une reconversion, refaire le monde et prendre son avenir en main.

Et puis après tout, ça n'est pas grave parce que ça n'est pas irrémédiable : si vous avez raison, le peuple éclairé vous confiera les clés du pays dans cinq ans (c'est si peu) et vous aurez le droit de modifier le code civil. Certes, le pays aura changé, quelques dizaines de milliers de couple homos auront convolé en justes noces, mais ça n'aura pas changé la face du monde.

Enfin voilà, quoi : laissez les enfants se construire en s'opposant. Cultivez l'opposition constructive.