lundi 20 février 2012

Les bons comptes

Eh, toi, le dangereux Internaute, le pirate de la toile, le sauvageon du Net pas civilisé, tu veux faire du buzz ? Crée un compte antisarkozyste, chambre Morano (c'est pas très difficile), allume Guéant (il est déjà chaud) ou fait dire à notre cher président de la République le contraire de ce qu'il raconte (ce qui revient parfois à réaffirmer ce qu'il assurait avant d'avoir changé d'avis). Ça broute, mais ça ne mange pas de pain.

Tu peux aussi faire la même chose version antisocialiste. Entre la vie sexuelle de DSK, le régime de Hollande et la prise de La Rochelle par Ségolène, ça ne manque pas de matière de ce côté-là de l'échiquier politique.

Dans tous les cas et avec un peu de chance, à force de titiller les partis, tu vas finir au mieux bâché ou au pire reporté comme spam. À la main, par des vrais militants exaspérés, ou alors à plus grande échelle par des zombies tenus par d'autres militants tout aussi exaspérés. Oui, les moutons 2.0 ça existe, aussi bien à l'UMP qu'au PS.

Car tu le sais, toi, le dangereux Internaute, le pirate de la toile, le sauvageon du Net pas civilisé : ici, comme dans la vraie vie, c'est la jungle et tous les moyens sont bons pour parvenir à ses fins. Cherche bien au fond de toi : tu es même capable de céder à la tentation de suspendre ton compte toi-même et d'en créer un autre pour dénoncer la censure. Alors ôte immédiatement cette mine surprise, car il se passe des choses bien pires encore.

Oui, pendant ce temps-là, ton ennemi a déjà fourbi ses armes pour la guerre des mails, qui ne fait que commencer.

Et enfin, n'oublie pas, toi, le dangereux Internaute, le pirate de la toile, le sauvageon du Net pas civilisé, que de vrais artistes de la parodie sont tombés les premiers au combat, peut-être parce que ceux qu'ils imitaient craignaient que le petit peuple ne sache pas faire, en ces temps troublés, la différence entre le vrai et le faux. Comme si les moutons IRL étaient aussi idiots que leurs clones 2.0.

Alors toi, le dangereux Internaute, le pirate de la toile, le sauvageon du Net pas civilisé, n'oublie jamais au moment de régler l'addition que les bons comptes font les bons amis.

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Mise à jour : je vous jure que je n'y suis pour rien...

Joint par Le Monde.fr, un responsable de l'équipe Internet de Nicolas Sarkozy explique avoir effectivement demandé à Twitter – par l'intermédiaire d'un formulaire en ligne – la fermeture de comptes pour usurpation de l'identité du président, en précisant que cela concerne les comptes utilisant le nom et le prénom du candidat : "Cela pouvait prêter à confusion les internautes cherchant à suivre Nicolas Sarkozy sur Twitter", justifie-t-on.

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Mise à jour (bis) : le Nico de Nico s'explique enfin et c'est beau.

mercredi 15 février 2012

Enfant de la télé

Ce soir, TF1, dont le boulot est de vendre aux limonadiers du temps de cerveau humain disponible, va en offrir un peu à Nicolas Sarkozy.

C'est une vieille histoire, Nico et TF1. Comme une Saint-Valentin quotidienne qui dure depuis dix ans. Tout remonte en effet à l'année 2001.

Souvenez-vous, cette année-là (comme disait Cloclo), TF1 se fit souffler Loft Story par une petite chaîne qui voulait monter, monter, monter...

TF1 décida alors de trouver un petit truc promis à monter. Ce fut Nico, qui devint quelques mois plus tard ministre de l'intérieur.

Mais pour faire monter les petits trucs, il faut les arroser. TF1 inventa alors la plateforme anxiogène de l'insécurité grandissante.

Une sorte d'engrais spécial pour ministre de l'intérieur. Un programme effrayant qui balançait bien avec la téléréalité abrutissante.

A 20 heures, on te fout la trouille, mais une heure plus tard, on te relaxe avec des cruchonnes et des crétins.

Bref, l'un et l'autre grandirent de ces programmes réducteurs, au point de devenir les maîtres d'un nouveau monde abruti.

Mais le pain et les jeux, pour ne pas lasser, doivent chaque jour s'enfoncer un peu plus bas pour tenir les audiences.

Nico est un enfant de la télé : il a grandi dedans et il finira avec elle (en dépit de ses efforts sur Facebook et Twitter). Le processus est engagé et il est irréversible.

lundi 6 février 2012

Biloute Guéant

Cher Claude Guéant

Mon âme de Ch'ti saigne. Oui, car toi, l'un des nôtres, né à Vimy, tu as osé pousser le bouchon au delà du raisonnable et avec lui, mémère dans les orties.

Tu sais bien que sur nos terres septentrionales, entre les Polaques, les Portos, les Arabes et les Ritals, au fond des puits de mine, au pied du mur de nos corons, autour d'une pizza ou d'un méchoui, nous n'avons jamais cherché à savoir laquelle de nos civilisations métissées était meilleure que l'autre.

Car, chacun s'émancipant de la place attribuée à la première génération, les suivantes ont poussé les murs et les frontières pour, au final, n'en former qu'une seule, humaine, fraternelle.

Je suis très déçu que tu puisses faire de ce passé table rase et oublier la richesse de ce terreau des terrils qui t'a fait grandir.

C'est la raison pour laquelle je t'écris cette deuxième lettre, la première étant d'ailleurs restée sans réponse.

Je me permets aussi de te tutoyer, car ça n'est pas au ministre que je m'adresse, mais au compatriote de cette civilisation improbable où des patrons souvent belges eurent l'idée de mêler des peuples venus des quatre coins du monde pour chauffer le cul de la France, fondre l'acier, filer du textile et coudre des vêtements. C'est à toi que je parle, biloute.

vendredi 3 février 2012

Les arènes

Imaginez un monde où vous seriez obligés par la loi de porter un badge avec vos noms, prénoms et adresse. Un monde où le défaut de port de cet insigne serait tellement sévèrement puni que certains en viendraient même à se tatouer ces informations personnelles sur le front. Impensable ?

Le monde dans lequel nous vivons est différent. Seules les forces de l'ordre ont le droit de vous demander de décliner votre identité et les papiers qui vont avec, parce qu'elles sont détentrices, par une délégation à laquelle nous consentons à chaque élection, d'une partie du monopole étatique de l'exercice légitime de la violence physique.

C'est une prérogative de puissance publique, constitutive de notre état de droit. Or, ce même état de droit est légitimé par le suffrage universel, qui envoie indirectement des citoyens au Sénat et d'autres, directement, à l'Assemblée nationale. Sans oublier le chef, élu au suffrage universel direct pour garantir le bon fonctionnement de l'ensemble.

Il se trouve que pour pouvoir prétendre à l'exercice de cette dernière fonction suprême, cette clé de voûte de l'édifice, les pères fondateurs de la constitution ont eu la sage idée de soumettre le candidat à l'entrée dans la course électorale présidentielle à un préalable : obtenir auprès des quelque 36.000 maires de France l'aval de 500 d'entre eux.

Mission impossible, crie donc Marine aujourd'hui comme son père hier. C'est une habitude dans la famille Le Pen. D'où cette idée de génie : l’anonymat des parrainages d’un candidat à l’élection présidentielle, qui ratisse large.

Là, j'ai vu rouge. D'où ce billet pour expliquer mon point de vue et le raccourci de la formule. Oui, le citoyen lambda a le droit de rester un anonyme, sur la place publique virtuelle ou réelle. Laissons aux forces de l'ordre le soin de vérifier son identité, pourvu que ces contrôles soient opérés dans les règles, ce qui n'est d'ailleurs pas toujours le cas. Non, les élus, petits ou grands, ne peuvent pas se planquer derrière un bulletin secret pour assumer leurs responsabilités.

Dans la vraie vie politique comme sur le Net, les choses sont assez binaires : on ne peut pas être à la fois spectateur dans les gradins et acteur dans l'amphithéâtre. Chacun doit assumer sa place dans les arènes.

jeudi 2 février 2012

Tribuns

Où sont les tribuns de la plèbe ? Plus que jamais la question se pose. Mais Georges Lavau n'est malheureusement plus là pour y répondre, lui qui avait si bien mis en évidence la fonction tribunitienne du parti communiste.

Le PCF se la fit piquer, cette fonction, par le FN, et avec elle pas mal d'électeurs.
Jean-Luc Mélenchon l'a bien compris en choisissant d'aller chercher Marine Le Pen là où elle est.

La majorité présidentielle veut revenir aux fondamentaux du P de l'UMP dans un rêve de droite populaire. Preuve en est la promotion d'un revenant des extrêmes de la droite - Guillaume Peltier - ou encore les mots choisis par Nicolas Sarkozy dans sa dernière intervention télévisée.

Au PS aussi. Dans un sursaut de conscience de classe, on se dit qu'il serait bon de penser à la cause du petit peuple.

Bref, les candidats au tribunat se sont multipliés. Et la plèbe attend la lumière.
"Les lois font les bagnes, les moeurs font les lupanars. La lumière crée le peuple, la nuit enfante la plèbe. La veste rouge du forçat est taillée dans la robe rouge du juge." (Victor Hugo, Quatrevingt-treize)