mercredi 23 mars 2011

Des causes et des effets

Ce qui est terrible aujourd'hui, c'est de voir toute une génération de politiques, pourtant pas née de la dernière pluie, donner l'impression de découvrir la mécanique du Front national.

Je ne peux pas, je ne veux pas croire qu'ils (elles) ont oublié que ça n'est pas nouveau, que ce sont le mêmes ficelles qui sont tirées, que les mêmes causes produisent les mêmes effets.

Mais Au cas où, je vais ressortir une vieille histoire, celle où pour la première fois le FN à dépassé la barre des 30 %. Juste au cas où, effectivement, ils (ou elles) auraient oublié. Juste histoire de moins causer des effets.

« Faut-il attendre que la Sambre brûle pour qu'on se rende compte qu'elle est inflammable ? » Telle était la question que je posais à la fin d'un des mes articles, en novembre 1995, à propos d'un débat sur la délinquance dans le bassin de la Sambre. Deux ans plus tard, Maubeuge entrait dans le palmarès des villes peu sûres et la Sambre prenait feu.

Début octobre 1997, au bout d'une semaine de violences urbaines à Maubeuge, un dimanche, premier jour d'une semaine de congés, j’eus l’envie de comprendre ce qui agitait cette Sambre où j'étais né. La sécurité des personnes n'était plus garantie. Je voulais savoir si elle le redeviendrait un jour. Je commençais alors la rédaction de cette enquête.

Cinq années de métier m'avaient enseigné que le journaliste devait observer les faits et oublier les opinions. C'est une bonne chose. Nous sommes tous suffisamment responsables pour nous forger un avis en observant le monde.

Poussé par cette montée de la délinquance, j’ai voulu en comprendre l’origine. Les causes étant multiples, il me fallait, pour être juste, aller au delà des sentiers battus. Plutôt que d’interroger les interlocuteurs « institutionnels », policiers, magistrats, travailleurs sociaux ou hommes politiques, j’ai préféré rencontrer les gens de la rue.

Puisque les violences urbaines venaient des quartiers, il fallait y chercher la parole de ceux qui ne parlent pas, que l’on entend pas ou qu’on ne veut pas écouter. D’abord, les Français d’origine immigrée et leurs enfants, ces « Beurs » tellement montrés du doigt. Il fallait, aussi, toucher le fond, pousser cette « immersion » jusqu’à la lie des quartier, approcher le monde des dealers et de leurs clients, de leurs victimes. Là n’était pas tout.

Il me fallait, en plus, tenter de comprendre ces gamins que tout le monde incrimine, leurs mamans, parfois si seules, et leurs pères, souvent trop loin. Et puis, ne pas oublier, dans ces quartiers, ceux que les jeunes appellent souvent les « fachos », ou les « racistes », et qui s’avouent, parfois sans honte, comme tels. Enfin, restaient les « vieux », les anciens, détenteurs de la mémoire des quartiers, le plus souvent rendus muets par la peur. Une fois les faits et les mots recueillis, il ne restait qu'à les coucher sur le papier en les juxtaposant de la façon la plus honnête possible.

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Au fil de ces trente dernières années, la Sambre est passée de la fierté du travail à la peur du chômage, puis de la peur du chômage à la honte du travail. De son riche passé industriel, Maubeuge garde des souvenirs. A Sous-le-Bois, quartier populaire, les rues portent le nom des industries défuntes : rues de la Boulonnerie, de la Briquetterie, de la Fonderie, des Hauts-Fourneaux, place de l'Industrie. C'est précisément de ce quartier qu'est partie la vague de violences urbaines, c'est là que, pour la première fois, les incendiaires ont mis le feu à un bâtiment, la salle des fêtes. Si, dans la Sambre, un jeune de moins de 25 ans sur deux n'a pas d'emploi, à Sous-le-Bois, le taux est, au moins, de deux chômeurs sur trois jeunes. Pourtant, à Sous-le-Bois, il y a trente ans, les ouvriers vivaient bien.

[...]

Dimanche 25 mai 1997, 20 heures. Claude Deresnes est le seul candidat du FN dans le Nord-Pas-de-Calais à arriver en tête du premier tout des législatives, avec presque 26 % des voix. Le député sortant, Jean-Claude Decagny, est à un peu plus de 22 %.

L'électorat de Claude Deresnes vient d'enraciner son vote et l'implantation du FN. Aux législatives de 1988, Claude Deresnes avait obtenu 15,23 % des suffrages. Au premier tour des législatives de 1993, il passait à 24, 53 %. En 1995, aux présidentielles, le candidat Jean-Marie Le Pen arrivait en tête du premier tour avec 24,31 % des suffrages.

En 1997, le FN n'a fait que conforter ses positions : il pèse un quart du corps électoral. On ne peut plus parler de vote protestataire. Les électeurs FN sont fidélisés. Le discours de Claude Deresnes en matière d'insécurité et d'immigration fait écho dans la Sambre.

Le candidat FN bat le député sortant dans les quartiers sensibles de Sous-le-Bois, de l'Epinette et des Provinces françaises, mais aussi dans les villages et dans les bastions traditionnels de la gauche. « Mon score n'est pas une surprise, c'est une logique », commente alors Claude Deresnes.

La plupart des observateurs de la vie politique sambrienne s’attendaient à ce que Claude Deresnes, conseiller régional sortant et candidat aux cantonales pour le siège de Maubeuge-Sud, canton dans lequel se trouve Sous-le-Bois, rompe son habituel mutisme à l’approche des scrutins de mars 1998. Mais Deresnes le discret n’en fera rien.

Lui demandant les raisons de ce silence, il me confiera, à propos des violences urbaines : « Je ne veux pas être accusé de récupérateur, mais ça me fait mal de ne rien dire, car ce qui se passe est grave, et ça va continuer. Tout ceci n’est le fait que de quelques individus. Mais ces dizaines de provocateurs feront des émules par centaines. Il faut réagir. Je suis pour la réouverture des maisons de redressement. Il faut sortir la matraque. C’est la seule façon d’éviter que les gens fassent justice eux-mêmes… »

Meilleurs encore pour le Front national que ceux des législatives de 1997, les résultats des élections de mars 1998 confirmeront l’implantation de Claude Deresnes et le FN passera la barre des 30%.


[...]

Au lendemain du premier tour des législatives, il répond aux questions des journalistes, à la table d'un bistrot. « Jean-Claude Decagny dit que vous ne seriez pas à la hauteur du travail d'un député. Si vous êtes élu, comment ferez-vous ? » Claude Deresnes n'a pas peur. « Vous savez, au FN, on n'est jamais seul. Si je suis élu, à Paris, il y aura des gens autour de moi pour me conseiller ».

Claude Deresnes a bien changé. Ses premières amours politiques étaient gaullistes, mais ce penchant a été contrarié. Claude Deresnes s’est battu pour l’Algérie française. Il en garde une douleur à la mâchoire dont il aime à rappeler qu’elle est due à ce passé militaire. Comme d’autres, il s’est senti « lâché » par le Général et s’est radicalisé.

Cette radicalisation le conduira, en 1984, au Front national, dont il deviendra leader local, conseiller régional du Nord-Pas-de-Calais et conseiller municipal de Maubeuge. Lui qui revendiquait, au milieu des années 1980, une zone franche pour la Sambre afin d'attirer les investisseurs ne parle plus d'économie. Les idées, il les laisse aux techniciens du FN. A quoi bon en avoir quand le parti en a pour vous ? Et même, à quoi bon parler ?

Claude Deresnes a joué sur la proximité, le contact, le bouche à oreilles, plus efficaces, selon lui, que les médias « vendus à l’establishment ». Pendant la campagne des législatives, Claude Deresnes est resté d'un silence qui n'a d'égal que celui des quartiers. Il a brûlé de l'essence pour aller partout, sur les marchés, dans les commerces et dans les bistrots.

Claude Deresnes amenait à chaque fois sa bonhomie, tout simplement. Son attention, son écoute, comme ces bons vieux toubibs des campagnes qui passaient plus de temps à vous écouter qu'à vous ausculter. Claude Deresnes, avec ses allures de bon gars, écoutait les gens se plaindre de tous ces « gris qui nous piquent nos allocs ».

Par un hochement de la tête, il établissait une connivence, un sous-entendu : « Il faut les mettre dehors ». Droit du sol ou droit du sang ? La question ne se pose même pas. Quand les électeurs de Claude Deresnes parlent de « les mettre dehors », c'est de tous les « gris » qu'il s'agit, tous ceux qui n'ont pas une « tête de chez nous », même si leurs parents se sont tués autour des hauts-fourneaux. « Il nous comprend, Claude », confiait une de ses électrices en sortant des urnes.

[...]

Si le malaise dont souffre la Sambre n'était que la conséquence des trafics de drogue, il suffirait de mettre les dealers en prison pour que tout soit réglé. Mais où les « dealés » trouveraient-ils leur anti-désespoir ? Et puis il n'y a pas qu'une seule fracture, celle qui existe entre les « inclus » et les exclus.

Il n'y a pas que les acteurs d'une économie officielle et ceux d'une économie parallèle. Chez les « inclus » comme chez les exclus, chez les salariés comme chez les chômeurs ou chez les « dealés », il y a la cohorte de ceux qui ne comprennent rien. Certains sont absorbés par un boulot, si dur à trouver ou à garder, qu'il en devient une obsession. D'autres sont à côté du monde, puisqu'en dehors des valeurs du travail et de l'argent.

Ils doublent leur exclusion de la « vraie » vie, celle réputée « active », par une passivité devant la compréhension de ce qui s'y passe. Ce bataillon silencieux est forcément attentif aux explications à l’emporte-pièce, aux discours d'une extrême simplicité. Quand Claude Deresnes dit : « En matière de sécurité, le Front national a l'original, la gauche plurielle, elle, a les duplicata qu'elle ressort à chaque fois qu'une campagne électorale approche » (1), il rallie à sa cause tous ceux qui se sont perdus dans le dédale des clivages politiques.

[...]

La Sambre sait ce qu’est la mondialisation. Elle sait, aussi, comment fonctionne le libre marché, le capitalisme planétaire. Les capitaux venus de l’autre côté de la frontière lui ont permis de développer une industrie puissante, d’embaucher de la main d’œuvre étrangère, d’exporter des biens aux quatre coins de la planète.

Elle fut de ces régions qui ont forgé, avec l’acier et le charbon, les fondations d’une Europe qui ne sait plus trop quoi faire d’elle, maintenant qu’elle ne produit plus assez de richesse. Aujourd’hui, ces mêmes capitaux étrangers, mariés à ceux de nouveaux partenaires financiers asiatiques, continuent la « restructuration dégraissante » de la métallurgie et de la sidérurgie. Ces secteurs ont encore de l’avenir, mais le processus d’automatisation de la production doit être parachevé. Il y aurait encore trop d’hommes dans les usines.

Le passé est mort et l’avenir est incertain. La Sambre n’a plus qu’à se contenter du souvenir des belles années. Celles où elle était gavée par une industrialisation abondante. Celles où, même si la répartition des parts du gâteau n'était pas toujours bien juste, patrons et ouvriers y trouvait leur compte. La Sambre n’a plus qu’à ressasser son histoire, se souvenir du jour où cette économie qui la gâtait s'est mise, en s'internationalisant toujours plus, à la punir. Mais la nostalgie de la Sambre vire à la mélancolie.

Quand, d'une façon aussi subite que brutale, la vallée de l'acier a dû passer du faste à la diète, elle en a fait une maladie : désespoir des uns, peur des autres… des symptômes qui, sans cesse, se répètent.

Peur de ce qui est étranger, comme ces bras laborieux et ces bouches à nourrir qui continuaient à traverser la Méditerranée alors même que le travail se faisait rare. Comme, aussi, ces concurrents du bout du monde qui mangent le gâteau industriel sans en laisser la moindre miette à ces pauvres Sambriens.

Désespoir de ne pas trouver d'emploi, ni de sens à sa vie. Mais quand on a vécu si longtemps en bonne santé, les premiers symptômes d'une maladie suffisent pas à vous inquiéter. « C'est pas grave, ça va passer », s'est alors dit la Sambre, qui n'a rien voulu changer à ses habitudes. Alors, faute d'être soignée à temps, la Sambre est allée de mal en pis. Prise de panique devant sa douleur persistante, elle est devenue une proie facile pour les guérisseurs de l’irrationnel et les gourous de la médecine magique.

De la peur à la haine, il n'y avait qu'un pas. Puisque le mal venait de l'étranger, il fallait l'éradiquer. Evacuer l'étranger. C'est ce que les docteurs de l'extrême, avec des officines bien achalandées, prescrivent à leurs patients. De fortes doses de sécurité, de rejet de l'autre, au sang impur.

Pour les guérir du désespoir, d'autres soigneurs ont prescrit à leurs jeunes patients un autre genre de calmant. Ils ont ouvert de nombreuses pharmacies. Mais pour payer l'ordonnance, les patients doivent se procurer un peu plus d'argent. Toujours plus de ces revenus de la délinquance qui nourrissent encore la peur de l'étranger.


Extrait de L'Autodafé des quartiers.

mardi 22 mars 2011

Croisade

Qui, de Claude Guéant ou de Mouammar Kadhafi a jeté la première pierre ? Il se peut que la question soit imprimée un jour dans les livres d'histoire. Parce que certains mots ne s'écrivent qu'avec une encre indélébile.

Donc, Claude Guéant se félicite de voir Nicolas Sarkozy à la tête de la "croisade" en Libye. Il fait écho aux propos tenus par Mouammar Kadhafi lui-même dans les premières heures des attaques de la coalition.

Fallait-il relever le gant ? Etait-ce bien nécessaire de défourailler une connotation religieuse à un conflit qui, jusqu'alors, n'en avait pas encore pris la dimension ? Trop tard. Le coup est parti.

Il y aurait donc des terres saintes à reconquérir. Lesquelles ? Celles des ressources énergétiques, de l'opinion publique française ou de la liberté du peuple libyen opprimé par un leader dont on aurait découvert soudain la tyrannie ?

Croisade, donc. Le mot est dit. Une nouvelle guerre de religion ? Croisons les doigts.

lundi 21 mars 2011

Châtaignes

Je vais laisser le soin au personnel politique, aux analystes, aux sondeurs et aux chroniqueurs de tirer les enseignements de ce nouveau record d'abstention atteint au premier tour des cantonales. Pour ma part, j'ai déjà donné mon point de vue.

Maintenant, je m'interroge, confortablement assis au pied d'un marronnier : n'est-il pas temps d'accélérer un peu la mise en oeuvre du vote électronique. Alors bien sur comme d'habitude quand on évoque cette question, les détracteurs labourent les pâturages du débat et déterrent leurs solides arguments.

1. Les électeurs français ne sont pas tous équipés. Cela dit, 64 % de foyers, c'est quand même pas négligeable. On laissera le tiers restant aller aux urnes.

2. Le vote électronique n'est pas au point. Rien ne vaut la méthode à papa - à la main - qui fait ses preuves depuis deux siècles. Pourtant ça fait un moment que des gens compétents y réfléchissent.

3. Techniquement, c'est compliqué, le risque de fraudes... Et la télédéclaration des impôts ? Et les actes administratifs ? Et la gestion des comptes bancaires ? C'est un échec ?

4. Argument de principe : la migration périodique du corps électoral vers les isoloirs est un acte civique, une sorte de transhumance politique qui nous différencie du bétail. Ce à quoi j'ai envie de répondre que des trois fondements de la citoyenneté - la conscription, la soumission à l'impôt et le droit de vote - ne subsiste dans sa forme archaïque que ce dernier.

Bref, voilà. Je sais bien que ce sujet est un marronnier qui bourgeonne au lendemain de chaque élection et je crains que personne n'ose vraiment le secouer, probablement de peur de prendre des châtaignes sur le coin de la tête, ce qui est somme toute très gaulois.

vendredi 18 mars 2011

Ça pue

Les discours politiques avariés ne produisent jamais mieux qu'une info indigeste. Il n'en sort en général qu'une diarrhée malodorante.

Surfer sur le drame japonais, se rendre soudain compte que ceux à qui on a vendu des armes s'en servent pour opprimer leur peuple, séduire les xénophobes et tenter de ménager ceux qu'ils exècrent...

Tout faire pour brouiller les cartes indiquant le chemin des urnes et s'indigner dans le même temps de l'abstention qui menace, de la tempête qui gronde.

Les électeurs sont devenus les spectateurs d'une mauvaise téléréalité. Une sorte de loft où des candidats insensés pètent en croyant que nous, de l'autre coté de l'écran, ne pouvons sentir l'odeur nauséabonde.

Mais par un phénomène inexplicable qu'ils n'imaginent pas, les odeurs arrivent à nos narines. Et ça sent mauvais. C'est normal, c'est de la merde, nous marchons dedans, mais ça ne va pas nous porter bonheur.

vendredi 11 mars 2011

Communiqué

Sur la proposition de moi-même, j'ai nommé Eric Zemmour à l'Intérieur, Bernard-Henri Lévy aux Affaires étrangères et Johnny Hallyday à la Culture.

Et puis, comme on est en Démocratie, j'ai consulté le peuple.

Sur la proposition de @gabcloutier j'ai nommé Bigard premier ministre.

Sur la proposition de @patrickjjj j'ai nommé Christian Vanneste aux droits de l'homme.

Sur la proposition de @desenfumage j'ai nommé Brunel à l'immigration.

Sur la proposition de @CapAlexandre j'ai nommé Arditi à l’économie, Gaccio au travail et Noah ministre en charge de la réforme fiscale.

Sur la proposition de @florianc j'ai nommé Servier à la Santé.

Mais comme je suis un vrai démocrate, sur les proposition de @ladivadeparis, de @armor35 et de @_Amine j'ai rajouté à la Santé le Dr Delajoux. Servier et Delajoux seront conseillés par Annie Girardot, comme le préconise @Barlch. Et pour la culture, il faudra arbitrer entre Marthe Mercadier et Christophe Mae, sans oublier Steevy Boulay, recommandé par @sablemou.

Sur la proposotion de @beerseerkr j'ai pas encore tranché.

Sur la proposotion de @sisyphe92 j'ai nommé Enrico Macias à l'Éducation nationale, Jean Reno au Budget. Enrico Macias partagera ses fonctions, car sur la proposition de @trisacatrinei j'ai aussi nommé Etienne Mougeotte à l'Education, ainsi que, sur la proposition de @patrickjjj, Jean Sarkozy.

Sur la proposition de @CapAlexandre j'ai nommé sans vraiment savoir si c'est une bonne idée Bénabar conseiller spécial à l’Elysée.

Sur la proposition de @KunGuaje j'ai nommé Kerviel à l'Economie.

Enfin, sur la proposition de @GGauv j'ai nommé Vasseur à l'Agriculture. On lui trouvera un logement.

Le Président de ce blog réunira le conseil des ministres, avec l’ensemble des membres du Gouvernement, dès que possible. Pour les réclamations, y'a les commentaires. Merci.

mercredi 9 mars 2011

Par hasard

L'horreur que révèle le sondage Louis Harris donnant Marine Le Pen en tête du premier tour de la présidentielle ne réside pas tant dans le résultat que dans sa propre existence.

L'étendard du FN est un chiffon rouge et nous des boeufs qu'on excite avec depuis sa consécration, voici un quart de siècle, par François Mitterrand. Paix à son âme, ses successeurs l'ont tous agité.

Cela dit, il ne faut pas se tromper : ça n'est pas la proportionnelle qui a "fait" des députés FN tout comme ce ne sont pas les sondages qui "font" la popularité de Marine Le Pen. C'est précisément ce que nous ont appris les inventeurs du sondage, les fondateurs de la sociologie électorale.

Et puisque l'on parle de vote à l'extrême droite et de sociologie électorale, avec un peu de mémoire et d'honnêteté intellectuelle, c'est le nom de Paul Lazarsfeld qui vient à l'esprit et celui des Chômeurs de Marienthal.

Nous sommes en 1931, à Marienthal, bourg viennois frappé brutalement par la fermeture de sa seule usine, au lendemain d'une crise économique mondiale et à la veille d'un accouchement. Le ventre fécond dont sortira la bête immonde enfle chaque jour.

Que font ces travailleurs devenus soudainement chômeurs. Ils s'efforcent d'oublier le couloir de la mort sociale en occupant l'espace-temps devenu soudain dépourvu de sens. Ils seront tentés par les jeux de hasard et le vote extrême.

Dans la préface des Chômeurs de Marienthal, Pierre Bourdieu écrit :

Exclus du jeu, las d'écrire au Père Noël, d'attendre Godot, de vivre dans ce non-temps où il n'arrive rien, où il ne se passe rien, où il n'y a rien à attendre, ces hommes dépossédés de l'illusion vitale d'avoir une fonction ou une mission, d'avoir à être ou à faire quelque chose, peuvent, pour se sentir exister, pour tuer le non-temps, avoir recours à des activités qui, comme le tiercé, le totocalcio et tous les jeux de hasard qui se jouent dans tous les bidonvilles et toutes les favelas du monde, permettent de réintroduire pour un moment, jusqu'à la fin de la partie ou jusqu'au dimanche soir, l'attente, c'est-à-dire le temps finalisé, qui est par soi source de satisfaction.


Il y a dans cette affaire des sondages Louis Harris une régression et même une perversion des fondements de la sociologie électorale. Sans insister sur l'absence d'analyses et de commentaires au sujet des raisons qui poussent l'électeur à déclarer vouloir voter pour le Front National, c'est la méthode qui porte un coup fatal à l'art du sondage.

L'institut a fait l'économie - comme beaucoup d'autres - de ces sondeurs qui allaient frapper aux portes des gens et s'installaient un long moment dans leur intimité pour leur poser leurs questions les yeux dans les yeux. Trop cher. Que cette relation passe par Internet, pourquoi pas. Encore faut-il que les panels soient constitués URL avec la même rigueur qu'ils l'étaient hier IRL. On nous assure que c'est le cas. Admettons.

Mais que l'institut en question fasse miroiter les récompenses d'un jeu-concours pour motiver les sondés, là, franchement... Retournons à Marienthal et imaginons la scène : pour tuer le temps, les chômeurs jouent à répondre aux sondages en espérant gagner le gros lot. L'objet du sondage du jour : au premier tour de la présidentielle de 1932, pour quel candidat comptez-vous voter : Hindenburg, Thälmann ou Hitler ?

Le sondage n'est pas un jeu de hasard. Le vote répond toujours à une nécessité.

vendredi 4 mars 2011

Des accords

J'ai mis du temps à comprendre ce qui m'avait vraiment emmerdé une fois de trop dans cette dernière soirée des victoires de la musique. Je me méfie toujours de mes réactions épidermiques.

Pour oublier le traumatisme, j'ai bu un peu et écouté des choses qui sonnent mieux à mes grandes oreilles. Comme annoncé, du Soft Machine, du Doors et du RHCP.

Au fil des morceaux et des degrés d'alcoolémie, j'ai fini par entendre les dissonances : j'étais en train d'écouter des formations après m'être infligé des individus. Parce que oui, nostalgie, âge de mes artères... comme vous voudrez, voilà. Je crois que j'aimais cette époque où il fallait que dans les groupes ça gueule pour créer.

Je ne vais pas vous refaire l'histoire du rock, mais en résumé, des musicos se rencontrent pour faire un truc ensemble. Ils ont des égos énormes, des personnalités monumentales, mais une fois les machins branchés, l'exercice imposait que chacun l'écrase pour trouver un sens, un son, une harmonie, un rythme...

Ce qui me tue, c'est comment on continue de parler de musique alors qu'on nous vend des gueules. Des Stars. Des vedettes. Des révélations. Des artistes de l'année. Et les musiciens ? Interchangeables. Remplaçables. Enregistrables. Inutiles.

Moi, ce que j'aime dans la musique, c'est quand ça s'engueule. Je déteste quand ça sent sa gueule. J'aime les accords qui subliment les désaccords.

mardi 1 mars 2011

Vimy-Neuilly

Nicolas est fort en politique, mais nul en technocratie. Claude, c'est le contraire. Comme les deux faces de Janus. Jusqu'alors en politique il fallait savoir marier les deux dans un même être pour avancer. Mais là : ce sont deux êtres qui se complémentent pour arriver à l'unisson.

L'un s'ouvre trop, l'autre se ferme tout le temps. Le premier sait parfaitement trouver les mots pour faire faire. Le second préfère agir en silence. Ils ont dix ans d'écart. Claude a grandi en bas. Nicolas s'est élevé en haut. La distance qui sépare Vimy et Neully est incommensurable, longue comme la route entre le fond du puits de mine et les appartements du patron des houillères.

Rien de commun, si ce n'est soudain la peur qui s'installe. Un jour, le gamin de Vimy voit s'effondrer les industries qui ont rendu l'Artois de son enfance prospère. La révolution industrielle est ruinée par la mondialisation. Le reste du monde est devenu brutal. Il faut s'en méfier.

Et à Neuilly, quand on fait carrière, qu'est-ce qui peut bien vous effrayer ? Une bombe humaine. En mai 1993, la prise d’otages dans une école maternelle scelle des destins politiques. Nicolas, Claude et quelques autres. On savait le reste du monde dangereux. Voilà que la menace s'est installée à l'intérieur aussi. La peur soude. Elle transcende les différences. Elle galvanise les troupes dans la lutte pour survivre.

Sarkozy est probablement le fils dont Guéant a rêvé. Nicolas n'avouera jamais qu'il préfère les desseins de Claude aux oeuvres de Pal. Mais ne cherchez dans cette paire ni père ni pair. Juste deux hommes rassemblés par cette angoisse partagée : dans les corons de Vimy ou les beaux quartiers de Neuilly, ce qu'on ne défend pas, on le perd.